Dimanche 12 septembre 2010 7 12 /09 /Sep /2010 09:26

À ciel ouvert, Nelly ARCAN ( 2007 ) Collection Points Seuil, n° 2347

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Pages 27-28

arcan-ciel-2Rose était styliste de mode, elle arrangeait de femmes pour les photographes, les vêtements qu’elle leur choisissait ne devaient pas les revêtir mais les déshabiller. Elle était une arrangeuse de chair à faire envier, ou bander. Le nombre des femmes augmentait dans la profusion des photos tirées et dans beaucoup d’entre elles, Rose y était un peu, sa présence était une trace, elle était dans l’arrangement des autres qui impliquait sa propre disparition.

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Rose était sortie de chez elle ; elle était restée plusieurs minutes dans le couloir de l’immeuble, debout, face à la porte qui n’était pas verrouillée. Avant même d’entrer elle savait qu’ils ne discutaient pas, qu’ils étaient déjà au lit. Charles et ses bruits l’avaient ensuite guidée vers eux, fantôme glissant dans leur intimité, rasant les murs, se faisant toute petite, elle déjà trop petite. Julie était offerte les yeux fermées, vautrée sur le dos, le T-shirt relevé au-dessus des seins, comme assommée, belle dans son inconscience, tandis que Charles se masturbait avec une vivacité que Rose ne lui avait connue qu’à leurs propres débuts, quittant son sexe de la main de temps à autre pour toucher les seins de Julie, pour mieux le retrouver et partir de plus belle, avec ses bruits qui la clouaient sur place et qu’elle garderait en tête toute sa vie ; Charles avec sa bouche qui faisait des bruits dont elle n’était pas la cause, Charles et le va-et-vient de sa main sur sa queue dont elle n’était pas la cible, Charles et ses halètements comme des lianes qui la piégeaient, l’enchaînaient au lit de Julie sans qu’elle y soit invitée, des lianes qui l’attachaient à ce qui avait lieu entre eux où elle était oubliée, à Julie assommée offerte sur le dos et à Charles qui se tenait au seuil de lui-même, au bord d’exploser, retardant pas plaisir des seins de Julie le moment de décharger.arcan-ciel-3

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Julie O’Brien courait sur un tapis au Nautilus. Elle était Nelly Furtado. Elle était bien, enfin, elle pouvait se faire mal sans trop se flétrir, écouter à plein volume une musique pop où c’était elle, la star, l’ensorceleuse face à une foule d’hommes qui rêvaient de fourrer leur sexe dans le sien. À défaut d’avoir envie de sexe elle en avait gardé l’idée d’attraction, elle comprenait que le sexe était au centre des êtres, le cœur de toutes les ambitions. Les femmes face à la scène, elles, rêvaient d’être elle, avec son sexe voulu par tous, un trou noir, qui chante, qui danse, qui fait tout dans l’aisance. C’était ça, aspirer les autres par un dispositif qui les gardait à distance, se remplir des autres sans les prendre, s’emparer de leur amour, sans le leur rendre.

Par la sueur comme un voile qui recouvrait son corps, sortait le mal, pensait-elle aussi, sortait cette merde où elle s’était enfoncée cinq jours auparavant, cette merde qui avait été sa vie pendant des années, la merde comme habitat de la vermine, la vermine comme celle de son époque qui était de pacotille, constatait-elle en regardant autour, une époque d’écrans, de Botox, d’amour-propre et d’invincibilité, celle de Madonna.

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Par michel koppera - Publié dans : lectures x - Communauté : Fantasmes et écriture
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