Vendredi 6 janvier 2017 5 06 /01 /Jan /2017 08:00

"Les ardents de la Rue du Bois-Soleil" # 49

Malgré tous ces mystères, non-dits et sous-entendus, je ne parvenais pas à me passionner pour cette aventure. Le passé de ma famille m’était plutôt indifférent et je me sentais avant tout un homme du présent, entièrement tourné vers le futur. Que m’importait si telle cousine avait collectionné les amants, si tel oncle était homo, ou si je ne sais quel grand-père avait fait de la prison pour escroquerie… Aussi quand Aurélie m’a suggéré d’aller passer en amoureux un week-end de mai à M**, je lui ai d’abord conseillé d’y aller toute seule, parce qu’elle était assez grande et qu’elle n’avait pas besoin de moi pour remuer la merde, mais devant sa mine déconfite et ses larmes, j’ai cédé…

ardents52Trois cents kilomètres d’autoroute plus tard, on était dans une chambre d’hôtel face à la mer et ses bateaux… Aurélie avait retrouvé le sourire et un plan de la ville.

Le temps était maussade, le ciel gris jusqu’à l’horizon et il tombait une petite pluie fine comme pulvérisée par un brumisateur. Ce n’était pas pour me déplaire.

On a commencé par le lycée où le concierge nous a de mauvaise grâce laissé consulter les archives numérisées de l’établissement, non sans nous avoir fait remarquer à plusieurs reprises qu’on était un samedi matin et que le lycée était en principe fermé, mais que puisque nous avions fait trois cents kilomètres rien que pour un simple renseignement, il allait faire un geste… Année 1963-64, classe de première B, série sciences ex, les deux noms dans la liste des 27 élèves : DAIMLER Tristan, SEVESTRE Jean… Et même une photo de classe – les vingt-sept étaient là – où j’ai fini par repérer mon oncle. Peut-être que Tristan Daimler était un des deux camarades qui l’encadraient au second rang, tous les deux blonds, aux cheveux courts… Peut-être… Ils avaient tous l’air trop sérieux et un peu compassé des lycéens d’alors, avec leurs blouses uniformes, leurs cols blancs cravatés, leurs pull-overs unis avec encolure en V… Une prof aussi, assise au milieu du premier rang, blonde permanentée, en tailleur, la cinquantaine ménopausée. Année 1964-65. Plus de trace de Tristan DAIMLER, juste Jean SEVESTRE, terminale B et SEVESTRE Sylvie en seconde A. Mais pas de photo de classe de cette année-là…

- Tu te rends compte, il est sans doute quelque part sur cette photo, m’a dit Aurélie en récupérant la copie tout juste sortie de l’imprimante.

La feuille en tremblait entre ses doigts.

Ensuite, passage à la mairie. On nous a dit que la maison de retraite avait été fermée par arrêté préfectoral après la canicule de l’été 2003. Trop de décès, chambres non climatisées, personnel mal formé, mauvaise gestion…

L’après-midi, on est passés rue du Bois-Soleil. Nouvelle déception pour Aurélie : au numéro 17, il y avait maintenant un petit immeuble résidentiel flambant neuf. On a eu plus de chance, si l’on peut dire, au 51 de la rue Barbey d’Aurévilly, à quelques centaines de mètres de là : façade et volets défraîchis, hautes fenêtres étroites. Mais pas de Daimler sur les boîtes à lettres alignées sur le mur du corridor d’entrée… Pourtant, on est montés jusqu’au palier du premier étage. Trois portes quasiment identiques. Aurélie m’a regardé avec un air de grande détresse.

- On a quand même une photo, que je lui ai dit pour la réconforter.

Elle m’a souri.

Sur le chemin du retour vers l’hôtel, on est passés devant la cathédrale. Alors qu’on traversait le parvis, la pluie s’est mise à tomber plus fort et le vent à chasser les derniers passants.

- Viens, on va se mettre à l’abri !

Aurélie m’a pris par le bras pour m’entraîner dans les entrailles de l’édifice. J’aurais dû refuser, mais j’étais incapable de me dominer et sa voix persuasive agissait comme un philtre qui réduisait à néant tous mes efforts de résistance. On a remonté l’allée centrale de la nef, sous les clefs de voûte. Le ventre de la cathédrale était presque désert ; il n’y avait de vivant que deux vieilles femmes assises face à l’autel et un homme en soutane qui étouffait, une à une, les flammes des cierges et des bougies. Nos pas résonnaient et faisaient naître des échos clairs qui se répondaient dans l’édifice.ardents52-1

Devant l’autel, Aurélie m’a repris la main et attiré dans un transept, au fond d’une petite chapelle sombre, à l’abri des regards, derrière un confessionnal en bois surchargé de sculptures baroques. La chapelle était consacrée à Sainte Véronique dont une statue en plâtre peint trônait sur un piédestal. Un vitrail diffusait une lueur orangée sur le visage de la sainte. Et je voyais surtout ses yeux tournés vers le ciel, à demi révulsés par l’extase mystique.

On était immergés dans une épaisse pénombre aux relents d’encens refroidi. Aurélie avait gardé ma main dans la sienne. Elle était tout contre moi et, dans l’obscurité complice, sa bouche chaude s’est approchée tout près de mon oreille.

- Personne ne nous voit, personne ne viendra nous déranger… Il faut juste faire gaffe à ne pas faire trop de bruit…

Son souffle a effleuré ma joue et sa main a pressé la mienne. Peu à peu, le parfum si particulier de son désir montait jusqu’à moi et effaçait la froideur de la pierre. Son corps souple se pressait contre mon ventre dur. Ma main libre s’est glissée sous sa jupe, remontant entre ses cuisses nues… Seuls comptaient maintenant sa peau tiède, ses petits seins fermes… Ma main a jeté le trouble dans sa culotte de coton, soulevé et relevé sa jupe sur ses hanches et découvert son ventre offert. Ses doigts à elle sont venus à la rencontre des miens, m’ont quitté, ont fouillé mon pantalon, se sont emparés de ma queue pour la glisser entre ses cuisses écartées.

- Guillaume, je compte sur toi. Baise-moi, fais moi jouir… Est-ce que tu m’aimes un peu ? Embrasse-moi !

Dans l’ombre, ma bouche a trouvé d’elle-même le chemin de ses lèvres, ma bite celui de sa vulve qui bâillait. Les bras passés à mon cou, la tête posée sur mon épaule, elle m’encourageait. Ses cuisses me cisaillaient les hanches, ses pieds noués sur mes reins me maintenaient en elle. Elle était adossée au mur de pierre pendant que, des deux mains, je lui soulevais les fesses en cadence, au rythme frénétique de son désir. Elle a serré les dents pour contenir les soupirs que lui arrachait le va-et-vient de ma queue qui lui labourait le vagin. Le jus de sa chatte coulait sur mes doigts. Bon Dieu, quel pied !

- Viens, s’il te plaît Guillaume, vas-y à fond !

En levant les yeux, m’est apparu encore une fois le visage de plâtre de Sainte Véronique, le regard tourné vers les cieux, et j’ai joui comme jamais…

- Ça ressemble plus à un pèlerinage qu’à un voyage, que je lui ai dit à Aurélie pendant qu’elle réajustait sa jupe.

Je ne suis pas sûr qu’elle m’ait bien compris.

 

 

***/***

à suivre...

Par michel koppera - Publié dans : Les ardents de la Rue du Bois-Soleil - Communauté : Fantasmes et écriture
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