Mercredi 3 octobre 2018 3 03 /10 /Oct /2018 08:00

Chris, chapitre 8

Le cyclone qui était né quelque part au large des Maldives s’appelait José. C’était un monstre marin de plus de mille cinq cents kilomètres de diamètre.

chris8Il arriva un lundi. En quelques heures, Chris passa du rêve au cauchemar. D’abord, un voile uniforme de nuages gris remplaça le bleu du ciel. En toute hâte, Nandi fut dépêché à Mahébourg pour faire provision de pétrole lampant, de piles, de bougies et d’eau minérale. Vers midi, l’alerte vira au rouge : aéroport fermé, circulation interdite… Tristan cloua les volets, rentra tables et chaises de jardin. Le vent se renforça progressivement. Il ne pleuvait pas encore, mais le ciel prit une couleur d’ardoise qui ne présageait rien de bon. Quand les premières rafales échevelèrent les cocotiers et que la radio annonça que le cyclone ne dévierait pas de sa trajectoire et s’apprêtait donc à frapper l’île de plein fouet, Tristan décréta le repli général dans la salle de bains, au cœur de la maison. C’était la seule pièce carrelée, avec plafond étanche et murs en parpaings, une sorte d’abri anticyclonique domestique. Nandi y entassa les packs d’eau minérale et des sachets de gâteaux secs. Lorsque Tristan ferma la porte à double tour, il se tourna vers Chris et Nandi :

- Il n’y a plus qu’à attendre, dit-il en esquissant un triste sourire.

- Combien de temps allons-nous devoir rester enfermés ici ? demanda Chris avec angoisse.

- Ça dépend… Un jour, peut-être deux... Je ne sais pas… Les cyclones sont imprévisibles…

Elle eut envie de pleurer mais contint ses larmes.

Le soir même, alors que le vent hurlait au dehors, l’eau fut coupée. Puis, dès les premières heures de la nuit, ce fut au tour de l’électricité. Nandi alluma la lampe à pétrole. La pluie se mit aussi de la partie, avec une rare violence…chris8-1

Chris était pelotonnée dans un coin, juste sous le lavabo. Dans la petite salle de bains mal ventilée, il faisait très chaud, trop chaud. Nandi était en short, torse nu ; sa peau cuivrée luisait dans la pénombre, comme ses cheveux noirs où dansaient les reflets de la lampe. Tristan portait un bermuda bariolé, un tee-shirt trempé de sueur ; avec une petite serviette, il s’épongeait régulièrement le visage. Chris aussi avait trop chaud, malgré sa jupette de coton très légère et son soutien-gorge de maillot de bain.

Au milieu du vacarme, Tristan vint vers elle et lui tendit un petit verre de rhum.

- Un ti-punch ne vous fera pas de mal. Buvez, ça vous détendra.

Chris se dit que, vu la situation, accepter ne prêtait guère à conséquence. Elle but donc un premier verre, puis un second…

- Vous n’en proposez pas à Nandi ? s’étonna Chris.

Tristan haussa les épaules et remplit le verre que le jeune serviteur avala cul sec. Après avoir trinqué, Tristan resta assis aux côtés de Chris. Elle sentit peser contre elle la masse imposante du créole. Mais loin de la rebuter, cette lourde présence la rassurait : elle y voyait comme un ultime rempart contre le cyclone qui faisait rage à quelques mètres de là, de l’autre côté des murs et au-dessus de leurs têtes. Un peu ivre, elle s’assoupit.

 

à suivre...

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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