Mardi 5 mai 2009 2 05 /05 /Mai /2009 18:14

Baiser à la fête foraine

 

Comme chaque année à la même époque, la foire exposition a pris possession de l’esplanade. De loin, ça ressemble à un vaste campement nomade, avec les toits de toile blanche, les fumées parfumées à la merguez, les musiques exotiques… Mais à l’intérieur, c’est plutôt la grande boutiques des beaufs : du pinard, des salles à manger en chêne massif, des matelas multispires spécial rhumatismes, de la charcuterie de montagne et encore du pinard. Les gamins y chassent les autocollants et les prospectus, les hommes courent les dégustations gratuites, les femmes s’y emmerdent…

Cependant, non loin de là, les forains ont monté leurs manèges. Des néons chamarrés, un tintamarre de techno aromatisé à la guimauve, des indigestions de barbe à papa et de churros. Des ados s’enlacent dans des trains fantômes, d’autres s’embrassent au bord de la piste des autos tamponneuses. Les attractions ont des noms d’enfer : Speed Maxx, Panic, Dominator, Jet Force ou Magnetic Storm ! Hurlements garantis !

Avec Marie, on a passé l’âge des émotions fortes à 3G.  Notre sortie à la fête foraine, c’est rituellement le dernier jour, le soir du feu d’artifice. Pour l’occasion, Marie a mis une jupe assez courte et des bas sombres. On commence par des jeux d’adresse : Marie adore le tir à carabine à air comprimé. Elle aime éclater les petits ballons multicolores qui virevoltent dans une cage et qui disparaissent d’un seul coup, d’une simple pression sur la gâchette, ça l’émoustille. Moi, je me défoule au chamboule-tout. On collectionne les points cadeaux et on se retrouve avec une horrible peluche de panda obèse. On déambule dans les allées, bras dessus bras dessous, hanche contre hanche, en partageant un cornet de croustillons supracaloriques. On continue par un tour dans le labyrinthe des glaces où on en profite pour se caresser maladroitement comme de tout nouveaux amants.

Il fait maintenant nuit noire. Peu à peu, la foule se regroupe aux abords du lac où va être tiré le feu d’artifice. On marche à contre-courant, vers notre feu d’artifice personnel et secret. Tout au bout du champ de foire, tourne lentement le gigantesque engrenage lumineux de la grande roue. Ici, point de tapage racoleur, point d’esbroufe. Les nacelles sont presque confortables : deux banquettes en vis-à-vis sous une sorte de parasol rectangulaire qui protège des intempéries et des regards. On y embarque en famille ou en couple, comme nous avec notre panda. Pendant le feu d’artifice, les clients se font plus rares, donc les parties plus longues. On sait déjà qu’on aura droit à au moins trois révolutions complètes, peut-être quatre. Largement le temps de baiser…

Nous prenons place : elle à côté du panda, moi en face d’elle. À la première salve de fusées blanches, Marie retrousse sa jupe, écarte les cuisses et me montre sa petite culotte, si petite qu’elle en paraît dérisoire. Alors, je redeviens amoureux d’elle comme au premier soir, comme aux premiers regards d’une nuit de juin, d’un jour de fête, quand elle était encore jeune fille. Je tombe à genoux entre ses jambes et, le nez dans sa touffe, je lui lèche la vulve. Dans la nuit  se répandent des gerbes d’étincelles polychromes et la foule fait des « Oh ! » et des « Ah ! », comme Marie. Tous les regards sont tournés vers le ciel, personne ne s’intéresse à nous. Le feu d’artifice embrase les ténèbres comme le désir inonde le ventre de Marie. Deuxième passage au ras du sol devant le regard vaguement inquisiteur de la guichetière dans son aquarium – elle en a vu d’autres ! Nous voilà repartis pour une ultime montée au ciel. C’est l’Assomption ! Miracle à cent mètres au-dessus du sol, notre nacelle s’immobilise de longues minutes. Nous sommes seuls sous la voie lactée, à jouir de notre vertige conjugal. Le panda devient oreiller où Marie abandonne sa nuque. Nous baisons ainsi, elle cul nu sur la banquette, moi à genoux sur le plancher de la nacelle, comme en prière, la bite dans le tabernacle de son con familier. Dans le ciel, la canonnade du feu d’artifice bat son plein, cascades de couleurs qui retombent en averses d’étoiles filantes. Marie s’offre le bouquet final d’un orgasme et sa chatte sent le soufre ! J’ai à peine le temps de jouir que la roue redémarre sans bruit. Marie rajuste sa jupe froissée, je remonte mon pantalon. La fête est finie.

Demain matin, les forains démonteront leurs manèges et la foire lèvera le camp jusqu’à l’année prochaine.

 

© Michel Koppera, mai 2009
illustrations : 1 dessin de Martin Veyron et deux de Morale

Par michel koppera - Publié dans : inédits - Communauté : Fantasmes et écriture
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