lectures x

Mardi 23 novembre 2021 2 23 /11 /Nov /2021 08:00

"Éloge des femmes mûres" est paru en France en 2001 aux Editions du Rocher, puis chez Gallimard. Mais ce roman, devenu best seller,  fut  initialement publié à compte d'auteur au Canada en 1965 sous le titre "In praise of older women". Son auteur d'origine hongroise Stephen Vizinczey, a dû s'exiler à l'ouest après la répression de la révolution hongroise de 1956. Le roman est disponible en collection Folio n° 4367 (284 pages) 

Extrait, pages 248-249 du Chapitre 15 : "Du bonheur avec une femme frigide". Rome. Le narrateur est l'amant de Paola, femme mariée qui revendique sa frigidité.

" Un samedi matin, tard, je fus réveillé par la chaleur. Le soleil m'arrivait dans les yeux à travers les vitres cintrées et les voilages blancs et il devait faire au moins trente-cinq degrés dans la chambre. Pendant la nuit nous avions rejeté la couverture et le drap de dessus, et Paola était étendue sur le dos, les jambes relevées, respirant sans un bruit. Nous ne semblons jamais autant à la merci de notre corps, la proie de notre inconscient, que lorsque nous sommes endormis. Le cœur battant, je décidai de tenter le tout pour le tout. Lentement, je lui écartai les jambes, tel un voleur écartant les branches pour frayer subrepticement son chemin dans un jardin. Derrière la touffe d'herbe blonde, je voyais son bouton rose foncé, avec ses deux longs pétales légèrement ouverts, comme si eux aussi avaient été sensibles à la chaleur. Ils étaient particulièrement ravissants et, toujours avide, je me mis à les humer et à les lécher. Les pétales ne tardèrent pas à s'amollir et je savourai bientôt la rosée de bienvenue, bien que le corps restât immobile. Paola devait maintenant être réveillée, mais elle n'en montrait rien ; elle se maintenait dans cet état rêveur où l'on essaie d'échapper à la responsabilité de ce qui va arriver en déclarant d'avance n'être ni vainqueur ni vaincu. Dix minutes, ou peut-être une demi-heure plus tard (le temps s'était dissous dans une odeur de pin), ses entrailles commencèrent à se contracter et à se relâcher, et, en frémissant, elle accoucha enfin de sa jouissance, ce fruit de l'amour dont ne peuvent se passer même les amants d'un jour. Quand la coupe déborda, elle me prit les bras pour m'attirer contre elle et je pus enfin la pénétrer la conscience tranquille.

— "Tu as l'air content de toi" : telles furent ses premières paroles quand elle posa de nouveau sur moi son regard bleu et critique."

vizinczey

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Vendredi 12 novembre 2021 5 12 /11 /Nov /2021 08:00

"Nouvelles sous ecstasy" est un recueil de 14 textes très courts écrits entre 1990 et 1999. Le recueil est paru en 1999 chez Gallimard et on le trouve en collection Folio n° 3401 (101 pages) 

Pour cet article, je vous ai choisi des passages de la nouvelle "Le jour où j'ai plu aux filles" datée de 1994.

Le narrateur vient de recontrer deux jeunes filles dans la rue.

" Comme toujours dans ces cas-là, il y en avait une jolie et une moche — et ça faisait deux cafés à payer (trois en comptant le mien).

Je leur ai proposé : "On s'asseoit à une terrasse ?"

— Pour quoi faire ? m'ont-elles répondu en chœur. Si tu veux faire l'amour avec nous, on est d'accord. pas besoin de payer deux cafés (trois en comptant le tien).

La jolie m'a embrassé sur la bouche en y tournant la langue. La moche a posé sa main sur mes couilles avec une certaine délicatesse. La jolie a glissé la sienne dans ma chemise pour caresser mon torse glabre. La moche m'a fait bander. La jolie a tiré mes cheveux. La moche a roulé une pelle à la jolie. La moche était plus jolie que la jolie.

Et tout ceci se passait en pleine rue, devant les passants indifférents. Puisque je vous dis que ce matin n'était pas tout à fait normal.

Nous sommes allés sur un banc public, et tandis que je léchais l'oreille de la jolie, la moche s'installait à califourchon sur moi. En l'absence de culotte, elle avait un intérieur confortable. Après quelques secousses, nous jouîmes à l'unisson.

Je suppose que nous avons crié très fort car quand j'ai rouvert les yeux, il y avait un attroupement autour de notre banc. Certains badauds avaient même jeté des pièces. Le temps de les ramasser et les deux filles avaient disparu."

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Vendredi 5 novembre 2021 5 05 /11 /Nov /2021 08:00

Régine Deforges : "Lola et quelques autres" est un recueil de 13 nouvelles (chacune a pour titre un prénom féminin commençant par le lettre L et pour cadre un quartier de Paris) parues en 1979 aux Editions Jean Goujon. On peut trouver ce recueil en Livre de poche n° 5596 ( 219 pages)

Extrait. Lucette ou la belle crémière de la rue Mouffetard

Lucette est amoureuse de Victor, le boucher. Elle le retrouve pendant la pause d'un après-midi d'été.

" Victor enfonçait sa bouche sentant la viande grillée et le vin dans son cou, puis entre ses seins qu'il palpait comme il devait palper un bœuf pour apprécier la qualité de la bête. Un jour, d'ailleurs, voulant complimenter Lucette sur la beauté et la douceur de sa peau, il lui avait dit au plus fort de leur étreinte amoureuse :

− Ah ! quelle belle viande !

Au lieu d'agacer Lucette, cela l'avait considérablement excitée. C'est elle qui insistait pour qu'il ne lave pas le sang de ses mains avant de la caresser. Une fois, elle avait failli devenir folle de plaisir quand, pressé par le temps, il l'avait bousculée sur le billot de la boucherie sans même prendre la peine d'écarter la viande sur laquelle il était en train de travailler et, lui relevant les jambes à hauteur des épaules, l'avait besognée avec une force qui faisait trembler la lourde table. Elle avait éprouvé, au contact de cette chair morte d'où montait une odeur fade et à celle vivante, chaude, de l'homme sur laquelle roulaient des gouttes de sueur âcre et salée, une volupté jamais attteinte. Depuis, quand elle croisait des bouchers, aux vêtements, aux mains et quelquefois au visage poisseux de sang, portant d'énormes quartiers de viande saignante, elle éprouvait un orgasme rapide qui lui laissait les jambes molles.

Au début de leur liaison, Victor s'était amusé de ce qu'il appelait "ses lubies". maintenant, quelquefois, ça lui donnait envie de l'envoyer "se faire voir ailleurs". Mais, il revenait toujours à de plus aimables sentiments : Lucette avait un cul et des seins comme il les aimait. Du plus loin qu'il se souvenait, il n'en avait jamais vu d'aussi gros ni d'aussi fermes en même temps. Imaginez des tétons aux pointes d'un rose si tendre qu'on aurait dit du veau, et se dressant à la moindre caresse, débordant largement des deux mains réunies, et quelles mains ! des mains de boucher, au sillon si confortable que plus d'une fois il y avait glissé son sexe. Quant au cul ! ... ah, ce cul !... il aurait fallu que le boucher fût poète pour lui rendre un hommage digne de son opulence, de sa douceur, de sa fermeté, de sa blancheur, de son parfum. Le cul de Lucette sentait la crème fraîche, la paille de la litière, le foin dans la mangeoire."

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Mardi 26 octobre 2021 2 26 /10 /Oct /2021 08:00

Troisième nouvelle du recueil paru en poche 10/18 n° 781, "Histoire de l'œil" datée de 1967 est la plus longue (90 pages). Elle a pour fil conducteur la relation étrange qu'entretient le narrateur avec une jeune femme prénommée Simone. Ensemble, ils vont voyager jusqu'en Espagne et faire des rencontres. Je vous en ai choisi deux extraits. 

Extrait n° 1. Simone et le narrateur sont à vélo, nus, en  pleine campagne, de nuit, en route vers une ville encore lointaine.

" La selle de cuir se collait à nu au cul de Simone qui fatalement se branlait en tournant les jambes. Le pneu arrière disparaissait à mes yeux dans la fente du derrière nu de la cycliste. Le mouvement de rapide rotation de la roue était d'ailleurs assimilable à ma soif, à cette érection qui déjà m'engageait dans l'abîme du cul collé à la selle. Le vent était un peu tombé, une partie du ciel s'étoilait ; il me vint à l'idée que la mort était la seule issue de mon érection, Simone et moi tués, à l'univers de notre vision personnelle se substitueraient les étoiles pures, réalisant à froid ce qui me paraît le terme de mes débauches, une incandescence géométrique (coïncidence, entre autres, de la vie et de la mort, de l'être et du néant ) et parfaitement fulgurante."

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Extrait n°2. Ils sont maintenant à Madrid, où ils assistent en compagnie d'un certain Sir Edmond à une corrida, spectacle qui a le don d'exciter Simone. Un taureau noir et valeureux vient d'être mis à mort.

" Simone, debout entre Sir Edmond et moi – son exaltation égale à la mienne – refusa de s'asseoir après l'ovation. Elle me prit la main sans mot dire et me conduisit dans une cour extérieure de l'arène où régnait l'odeur de l'urine. Je pris Simone par le cul tandis qu'elle sortait ma verge en colère. Nous entrâmes ainsi dans des chiottes puantes où des mouches minuscules souillaient un rai de soleil. La jeune fille dénudée, j'enfonçais dans sa chair baveuse et couleur de sang ma queue rose, tandis que je branlais l'anus avec rage : en même temps se mêlaient les révoltes de nos bouches.

L'orgasme du taureau n'est pas plus fort que celui qui, nous cassant les reins, nous entredéchira sans que le membre reculât, la vulve écartelée noyée de foutre. Les battements du cœur dans nos poitrines – brûlantes et avides d'être nues – ne s'apaisaient pas. Simone, le cul encore heureux, moi, la verge raide, nous revînmes au premier rang. mais, à la place où mon amie devait s'asseoir reposaient sur une assiette les deux couilles nues, ces glandes, de la grosseur et de la forme d'un œuf, étaient d'une blancheur nacrée, rosie de sang, analogue à celle du globe oculaire"

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Mardi 5 octobre 2021 2 05 /10 /Oct /2021 08:00

Georges Bataille : "Madame Edwarda". Nouvelle parue à l'origine clandestinement en 1941 et 1945 sous le pseudonyme de Pierre Angélique, puis rééditée en 1956  chez Jean-Jacques Pauvert. La nouvelle se trouve aujourd'hui en collection de poche 10-18 n° 781 dans un recueil qui regroupe outre "Madame Edwarda" deux autres écrits de 1967 "Le Mort" et "Histoire de l'œil"

Extrait : De nuit, Edwarda et le narrateur ont pris place dans un taxi parisien. Ils filent vers les Halles

" Il (le chauffeur) nous mena dans des rues sombres. Calme et lente, Edwarda dénoua les liens de son domino qui glissa, elle n'avait plus de loup ; elle retira son boléro, et dit pour elle-même à voix basse : 

  Nue comme une bête.

Elle arrêta la voiture en frappant la vitre et descendit. Elle approcha jusqu'à toucher le chauffeur et lui dit :

− Tu vois... je suis à poil... viens.

Le chauffeur immobile regarda la bête : s'écartant elle avait levé haut la jambe, voulant qu'il vît la fente. Sans mot dire et sans hâte, cet homme descendit du siège. Il était solide et grossier. Edwarda l'enlaça, lui prit la bouche et fouilla la culotte d'une main. Elle fit tomber le pantalon le long des jambes et lui dit :

− Viens dans la voiture.

Il vint s'asseoir auprès de moi. Le suivant, elle monta sur lui, voluptueuse, elle glissa de sa main le chauffeur en elle. Je demeurai inerte, regardant ; elle eut des mouvements lents et sournois d'où, visiblement, elle tirait le plaisir suraigu. L'autre lui répondait. Il se donnait de tout son corps brutalement : née de l'intimité, mise à nu, de ces deux êtres, peu à peu, leur étreinte en venait au point d'excès où le cœur manque. Le chauffeur était renversé dans un halètement. J'allumai la lampe intérieure de la voiture. Edwarda, droite, à cheval sur le travailleur, la tête en arrière, sa chevelure pendait. Lui soutenant la nuque, je vis les yeux blancs. Elle se tendit sur la main qui la portait et la tension accrut son râle. Ses yeux se rétablirent, un instant même, elle parut s'apaiser. Elle me vit : de son regard, à ce moment-là, je sus qu'il revenait de l'impossible et je vis, au fond d'elle, une fixité vertigineuse. À la racine, la crue qui l'inonda rejaillit dans ses larmes : les larmes ruisselèrent des yeux. L'amour, dans ces yeux, était mort, un froid d'aurore en émanait, une transparence où je lisais la mort. Et tout était noué dans ce regard de rêve : les corps nus, les doigts qui ouvraient la chair, mon angoisse et le souvenir de la bave aux lèvres, il n'était rien qui ne contribuait à ce glissement aveugle vers la mort.

La jouissance d'Edwarda −  fontaine d'eaux vives − coulant en elle à fendre le cœur − se prolongeait de manière insolite : le flot de volupté n'arrêtait pas de glorifier son être, de faire sa nudité plus nue, son impudeur plus honteuse."

bataille edwarda

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Mardi 28 septembre 2021 2 28 /09 /Sep /2021 08:00

Nicole Avril : "Jeanne", roman paru en 1984 chez Flammarion. Edité en poche collection "J'ai lu" n° 1879 (222 pages)

Dans ce roman qui se revendique féministe, Nicole Avril accumule les clichés sur la "femme puissante". Jeanne, l'héroîne éponyme du récit, est en tout une femme "hors-normes" qui multiplie les voyages en classe affaires, d'un continent à l'autre, toujours en transit... 

-Hors-normes professionnellement puisqu'elle occupe un poste habituellement réservé aux hommes : grand ponte international de la chirurgie cardiaque.

- Hors-normes socialement puisqu'elle est célibataire et qu'elle collectionne les amants richissimes.

- Hors-normes physiquement puisqu'elle est rousse dont potentiellement sulfureuse.

C'est cette femme extra-ordinaire qui, confrontée au désir, va devoir affronter deux trangressions majeures : elle est courtisée par Mathieu, un adolescent à la sensibilité à fleur de peau et issu d'un milieu très défavorisé. 

Extrait : pages 122-123

" Mathieu n'avait pas osé aller jusqu'à Jeanne pour lui dire bonjour. Il était appuyé au chambranle de la porte et il la dévisageait. (...) Le désir l'avait envahi à son insu et il semblait que rien ni personne n'eût pu faire dévier son regard. (...)

Le désir. Son visage exprimait le désir, jusqu'à l'indécence. Jeanne se souvint brusquement du bazar d'Istanbul et de cet homme qui, les pieds dans le caniveau, la contemplait de ce même regard fixe en se masturbant. Indifférente à son désir et à son acte, la foule ruisselait sur le trottoir et dans la rue. L'homme lui volait son image, son corps, et gémissait doucement en la regardant passer. Que dire ? Que faire ? L'homme s'était emparé d'elle. Il ne s'agissait pas d'un viol mais d'un geste magique de possession. Jeanne avait eu la tentation de fuir, puis, se ravisant, elle avait poursuivi sa promenade à son rythme. Elle sentait que sa disparition ne changerait rien à la jouissance de l'homme. Il avait déjà fixé en lui son image et Jeanne n'avait pas le pouvoir de la lui reprendre. On peut casser un appareil photo. En revanche, la violence ne fait qu'exacerber le désir. Jusqu'au soir, Jeanne avait erré dans les ruelles d'Istanbul avec un sentiment mêlé de dégoût et de regret. Il y avait de par le monde tant de fleuraisons dont elle ne connaîtrait jamais la monstrueuse éclosion."

jeanne avril


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Vendredi 3 septembre 2021 5 03 /09 /Sep /2021 08:00

Retour en classe pour les écoliers, collégiens, lycéens, étudiants. Ils et elles, petits et grands, vont découvrir ou retrouver l'univers des livres, si riche en émotions.

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Vendredi 27 août 2021 5 27 /08 /Août /2021 08:00

Annie Ernaux : "Mémoire de fille"

Récit autobiographique paru en 2016 aux Editions Gallimard. Edition de poche, collection Folio n° 6448 ( 165 pages)

Été 1958. La narratrice, tout juste sortie de l'adolescence, le bac en poche, a décroché un job de monitrice de colonie de vacances à S, dans l'Orne. C'est son premier été de liberté, loin du cadre familial.

Pages 46-47 (Annie se retrouve seule avec H, le moniteur-chef)

" Ils sont dans sa chambre à elle, dans le noir. Elle ne voit pas ce qu'il fait. À cette minute, elle croit qu'ils vont continuer de s'embrasser et de se caresser au travers des vêtements sur le lit. Il dit "Déshabille-toi". Depuis qu'il l'a invitée à danser, elle a fait tout ce qu'il lui a demandé. Entre ce qui lui arrive et ce qu'elle fait, il n'y a plus de différence. Elle se couche à côté de lui sur le lit étroit, nue. Elle n'a pas le temps de s'habituer à sa nudité entière, son corps d'homme nu, elle sent aussitôt l'énormité et la rigidité du membre qu'il pousse entre ses cuisses. Il force. Elle a mal. Elle dit qu'elle est vierge, comme une défense ou une explication. Elle crie. Il la hosupille :" J'aimerais mieux que tu jouisses plutôt que tu gueules !" Elle voudrait être ailleurs mais elle ne part pas. Elle a froid. Elle pourrait se lever, rallumer, lui dire de se rhabiller et de s'en aller. Ou elle, se rhabiller, le planter là et retourner à la sur-pat. Elle aurait pu. Je sais que l'idée ne lui est pas venue. C'est comme si c'était trop tard pour revenir en arrière, que les choses doivent suivre leur cours. Qu'elle n'ait pas le droit d'abandonner cet homme dans cet état qu'elle déclenche en lui. Avec ce désir furieux qu'il a d'elle. Elle ne peut pas imaginer qu'il ne l'ait pas choisie − élue − entre toutes les autres.

La suite se déroule comme un film X où la partenaire de l'homme est à contretemps, ne sait pas quoi faire parce qu'elle ne connaît pas la suite. Lui seul en est le maître. Il a toujours un temps d'avance. Il la fait glisser au bas de son ventre, la bouche sur sa queue. Elle reçoit aussitôt la déflagration d'un flot gras de sperme qui l'éclabousse jusque dans les narines. Il n'y a pas plus de cinq minutes qu'ils sont entrés dans la chambre."

memoire de fille

Pages 64-65 (quelques semaines plus tard )

" Depuis H il lui faut un corps d'homme contre elle, des mains, un sexe dressé. L'érection consolatrice.

Elle est fière d'être un objet de convoitise et la quantité lui paraît la preuve de sa valeur séductrice. Orgueil de la collection. (Attesté par ce souvenir précis : après avoir embrassé dans un champ un étudiant de chimie en vacances à S, me vanter auprès de lui du nombre de flirts que j'ai eus à la colonie.) Aucun délai de coquetterie, de remise à plus tard du désir qu'elle a de leur désir. Ils vont droit au but, ils s'y croient autorisés par sa réputation. Ils soulèvent la jupe ou défont la fermeture éclair du jean en même temps qu'ils l'embrassent. Trois minutes, entre les cuisses, toujours. Elle dit qu'elle ne veut pas, qu'elle est vierge. Aucun orgasme jamais.

Elle passe de l'un à l'autre, ne s'attache à aucun, pas même à Pierre D, qu'elle a rejoint plusieurs nuits dans le grand dortoir des garçons dont il assure la surveillance depuis une loge munie d'une petite fenêtre et qui lui a dit − c'était le premier − "Je t'aime" et elle a répondu :

− Non, c'est seulement du désir.

− Si, Annie, c'est vrai, je t'assure.

− Non. "

C'est une des premières fois que je lis le "viol initiatique" relaté avec tant de simplicité et de lucidité. Et aussi, les conséquences du traumatisme sur la vie sentimentale de la victime. Merci Madame Ernaux pour ce témoignage utile et nécessaire.


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Mardi 10 août 2021 2 10 /08 /Août /2021 08:00

Tatiana de Rosnay : "Spirales". Roman paru en 2008 aux Editions Héloïse d'Ormesson. Collection Le Livre de Poche n° 32873 (185 pages)

Hélène, une quinquagénaire paisible, mariée, mère de deux enfants, se laisse aller à une aventure éphémère avec un inconnu.

Extrait, pages 23 à 25.

" − Je vous attendais, dit-il. j'étais sûr que vous alliez revenir.

Hélène était comme hypnotisée. Elle ne pouvait plus parler. Elle ne pouvait plus que regarder cet homme qui avait encerclé son poignet de ses doigts. Il prit sa main, l'ouvrit, saisit la clef qu'elle serrait de toutes ses forces.

− Rangez ça, murmura-t-il.

Elle glissa la clef dans la poche de sa robe.

− Venez, ordonna-t-il avec un sourire. Venez avec moi. Maintenant.

Il avait toujours cet accent indéfinissable. La chaleur écrasante semblait la pousser vers lui. Elle se liquéfiait, se désintégrait. Elle n'avait plus de substance. Elle ne pensait plus. Le suivre maintenant ? Oui, elle le devait. Elle le voulait. Elle était venue pour ça.

Une porte cochère à la peinture écaillée, une cour délabrée, une autre porte, puis un petit appartement sombre, étouffant de chaleur. Elle ne remarqua pas le désordre, la saleté. Elle ne voyait que l'homme debout devant elle qui, d'un geste brutal, défit les boutons de sa robe. Elle ne voyait que les mains qui prenaient possession de la moiteur de sa peau.

L'homme parlait, disait qu'elle était belle, qu'elle était excitante, qu'il allait la faire jouir. Hélène n'avait pas l'habitude de ces mots-là. Elle les savoura comme un dessert nouveau. L'homme était pressé, haletant. Mais il souhaitait avant tout lui donner du plaisir. Il s'agenouilla devant elle, enfouit son visage entre ses cuisses nues.

spirales tatiana de rosnayPendant un très court instant, Hélène revint à elle. Elle se vit, plaquée contre le mur décrépi d'une pièce désordonnée. Elle vit la tête d'un étranger contre son ventre, une épaisse chevelure sombre. Elle vit les mains d'un étranger, les ongles noirs de crasse, agrippées à ses hanches. Elle faillit hurler, le repousser, s'enfuir. Les lèvres de l'étranger lui procuraient un plaisir inconnu.

Impossible de s'en aller. Impossible de faire autre chose que de rester rivée à lui, incandescente. Elle ne savait plus qui elle était. Elle s'en fichait. Seul importait cet homme.

Sa jouissance était presque douloureuse tant elle la vida. Il y eut du noir devant ses yeux, une pression sur ses tempes. Elle vacilla. L'homme la rattrapa. Ses yeux étaient fiévreux, son visage presque hagard. Il parlait, mais elle ne l'entendait plus. Il la guida vers un lit défait, retroussa davantage la robe froissée. Tout se passa très vite. Il était en elle.

Au début, elle le subit, affolée, confuse. mais petit à petit, sa jouissance toute récente sembla se raviver, se décupler. C'était une sensation à la fois exquise et insupportable. Le centre du monde, cette chambre brûlante comme un four, cet inconnu qui pétrissait son corps, les grognements et les cris qu'elle n'avait pas l'impression de pousser, mais qui venaient pourtant d'elle. Leurs chairs rendues glissantes par la sueur se collaient l'une à l'autre avec un bruit mat de ventouse.

Le temps s'était arrêté. Il n'y avait plus pour Hélène que cet accouplement sauvage, charnel dans lequel elle puisait une volupté frénétique. Elle ne voulait pas que cela finisse, elle subodorait déjà dans les mouvements de l'inconnu qu'il allait jouir, alors elle ferma les yeux pour garder au plus profond d'elle, au plus intime, ce qu'elle était en train de vivre.

Avec un râle, presque un cri, l'homme s'écroula sur elle, l'écrasant de son poids. Yeux toujours fermés, elle accueillit ce corps étranger qu'elle enveloppa de ses bras avec une sorte de tendresse. Elle avait envie de lui dire merci, merci pour tout ce qu'elle n'avait jamais connu et qu'elle découvrait à cinquante ans, grâce à lui. Elle sentit son souffle chaud contre son oreille, puis il eut un soubresaut, comme un dernier spasme de plaisir.

Le calme tomba sur leurs deux corps toujours luisants de sueur. Elle se sentait bien avec cet homme blotti dans ses bras comme un enfant. Comme il était apaisé, silencieux, après l'orage de cette possession si brutale. "   

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Mardi 3 août 2021 2 03 /08 /Août /2021 08:00

Andreï Makine, "Le testament français". (343 pages) paru aux éditions Mercure de France, disponible en collection Folio n° 2934. Ce roman a obtenu en 1995 le Prix Goncourt, le prix Médicis et le prix Goncourt des lycéens

Pages 236-237 : En compagnie de son ami Pachka, le narrateur alors âgé d'une quinzaine d'années, se glisse un soir le long de la coque d'une péniche amarrée au bord de la Volga. Par les hublots mal fermés par du contreplaqué, ils espionnent ce qu'il se passe à l'intérieur.

"Je me collai au hublot de gauche (...). Ce que je vis à travers la fente était à la fois banal et extraordinaire. Une femme dont je ne voyais que la tête, de profil, et le haut du corps, semblait accoudée à une table, les bras parallèles, les mains immobiles. Son visage paraissait calme et même ensommeillé. Seule sa présence, ici, dans cette péniche, pouvait surprendre. Quoique après tout... Elle secouait légèrement sa tête aux cheveux clairs frisés, comme si, sans arrêt, elle approuvait un interlocuteur invisible. (...) Je me déplaçai vers le hublot voisin, me noyant dans l'une des fissures dont était perforé le bois qui le bouchait, en essayant de retenir dans mon regard la vision qui venait de m'aveugler.

C'était une croupe féminine d'une nudité blanche, massive. Oui, les hanches d'une femme agenouillée, vue toujours de côté, ses jambes, ses cuisses dont la largeur m'effraya, et le début de son dos coupé par le champ de vision de la fente. Derrière cette énorme croupe se tenait un soldat, à genoux lui aussi, le pantalon déboutonné, la vareuse en désordre. Il empoignait les hanches de la femme et les tirait vers lui comme s'il voulait s'enliser dans cet amas de chair qu'il repoussait en même temps par des secousses violentes de tout son corps. (...) Je fis un pas à gauche, me retrouvant près du premier hublot. Je serrai le front contre son cadre d'acier. Dans la fente apparut la femme aux cheveux frisés, au visage indifférent et sommeilleux, celle que j'avais vue d'abord. Accoudée sur ce qui ressemblait à une nappe, vêtue d'un chemisier blanc, elle continuait à acquiescer par des petits hochements de tête et, distraitement, elle examinait ses doigts...

maikine

Ce premier hublot. Et le deuxième. Cette femme aux paupières lourdes de sommeil, son habit et sa coiffure très ordinaires. Et cette autre. Cette croupe nue dressée, cette chair blanche dans laquelle s'enlisait un homme paraissant fluet à côté d'elle, ces épaisses cuisses, ce mouvement pesant des hanches. Dans ma jeune tête affolée, aucun lien ne pouvait associer ces deux images. Impossible d'unir ce haut d'un corps féminin à ce bas !

Pages 249-250 : (ma double appartenance à la culture russe et française) scindait la réalité en deux. Comme elle avait fait avec le corps de cette femme que j'espionnais à travers deux hublots différents : il y avait une femme en chemisier blanc, calme et très ordinaire, et l'autre —  cette immense croupe rendant presque inutile, par son efficacité charnelle, le reste du corps. Et pourtant , je savais que ces deux femmes n'en faisaient qu'une."

  

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